20 juin 2008

CLUES - Tome 1 : Sur les traces du passé

Je l'attendais depuis des mois, après avoir suivi le travail de Mara via son blog et voilà la BD enfin sortie et immédiatement dévorée !

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L'inspecteur Hawkins


Tout d’abord, je parlerai des décors, absolument sublimes, comme je m’y attendais. Les couleurs grises/bleues/vertes, sont simplement envoûtantes et donnent vie d’une façon parfaite au Londres victorien, avec ses ciels lourds de pluie, jusqu’aux ruelles sordides de Whitechapel et ses bouges où tout semble être l’écho d’un crime… Je garde en mémoire cette splendide vue de Londres dans les premières pages, avec ce soleil bas, pâle, et ses nuages menançants… L’image est tout simplement révélatrice du style et du contenu de l’histoire. Magnifique, c’est le seul mot que je trouve.

Mais passons à l’intrigue à présent. J’ai tout de suite été accrochée. Celle-ci est bien mise en place, elle est efficace, elle donne envie d’en savoir davantage, et au fil des pages, on est emporté, c’est indéniable. Permettez-moi de ne pas en dire davantage, histoire d’appâter les lecteurs potentiels.

Pour les personnages, je suis absolument emballée par Emily, une jeune femme déterminée, intelligente, avec un caractère bien trempé, qui évolue dans un monde d’hommes que l’on peut qualifier d’austère et d’impitoyable. Son arrivée dans ce monde m’a fait penser par certains côtés à l’intégration des femmes dans les écoles de médecine de l’époque. Autant dire que l’on tâchait de les convaincre du mieux que l’on pouvait que le monde moderne n’était guère fait pour elles… De plus, Emily est jeune, vive, bref, c'est un personnage hautement sympathique et appréciable.

J’ai également un gros coup de coeur pour Mr Feldman, un homme qui m’a tout l’air honnête, loyal, et objectivement en avance sur son temps.

Je garde le meilleur pour la fin, évidemment… Hawkins. Mara a créé là un personnage à l’aura incroyable. Il irradie le livre de la première à la dernière page. Il est froid, cassant, piquant, cynique, en résumé : sublimement sale type ! Personnage éminemment intelligent et fier, animé d'une misogynie primaire, absolument tyrranique, il paraît détestable et pourtant, on ne peut s'empêcher d'aimer son caractère paradoxal et ses réactions contradictoires... Et que dire du relationnel des deux personnages principaux qui est éminemment jubilatoire !

Le dénouement du tome 1 est merveilleux. Une fois la bd refermée, on se sent profondément orphelin. Ce qui est un signe définitif de perfection !
Je lis et relis cette oeuvre avec une délectation absolue. Elle est tout simplement parfaite, comme je l’imaginais.
Avis donc à tous les admirateurs de l'Angleterre victorienne : il ne faut vraiment pas manquer ce bijou !

On attend d'ores et déjà le tome 2 avec impatience.

Je rappelle l'adresse du blog de Mara : www.sargas.net/mara/
Ainsi que son site officiel en cours de réalisation : http://www.mara-bd.com/

10 juin 2008

Jamaica Inn (1983)

L'Auberge de la Jamaïque

d'après le roman de Daphné du Maurier

Adaptation produite par ITV (1983)

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J'avais vu cette version il y a très longtemps lors de sa diffusion à la tv, et j'en gardais un souvenir assez flou, hormis le fait de la sensation éprouvée à l'époque dans mon esprit d'enfant : une adaptation noire, inquiétante, avec des paysages battus par les vents, des mers déchaînées.Et c'est tout à fait ça. Je suis mal placée pour faire un parallèle valable avec le roman, car ma lecture remonte un peu... Je vais donc simplement parler de mon ressenti suite au visionnage.

J'en ressors très satisfaite, voire très emballée. Certes, l'image n'est pas toujours de très bonne qualité, mais il est indéniable que les décors sont vraiment bien choisis. Il y a tout d'abord la mer, évidemment très présente (peut-être pas autant que je l'avais imaginé, mais enfin...), les naufrages, les navires. Pour une adaptation télévisée, je dois dire que les moyens sont très bons et que tout est très soigné, ce qui m'a agréablement surprise.

Enfin, il y a l'auberge de la Jamaïque, cette sombre masure de pierres noires, plongée dans la brume, gorgée d'humidité, qui vous fait froid dans le dos...

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Et puis, il y a la lande grise et son manteau de brouillard, qui est telle que je l'imaginais à la lecture du roman...

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Passons ensuite aux personnages.

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Il y a bien sûr l'héroïne, Mary Yelan, jeune femme indépendante, au caractère intrépide, interprétée par la très jolie Jane Seymour. Je la trouve d'ailleurs parfois un peu trop jolie, un peu trop apprêtée, un tantinet trop propre (c'est très péjoratif ce que je dis là ) pour la cadre dans lequel elle évolue... Enfin, je ne peux vraiment pas m'arrêter à ça, car à ça ne m'a absoluement pas dérangé... J'ai trouvé l'actrice vraiment très bien, très fraîche, très vivante, très intelligente, en un mot, elle n'est pas loin du personnage que j'avais en tête.

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Ensuite, il y a l'incontournable Joss Merlyn, un personnage qui m'avait terrifiée à la lecture et que je trouve bien différent de l'image que je m'en étais faite. Celui-ci est interprété par le terrible Patrick McGoohan, excellentissime, bien qu'un tout petit peu trop âgé (enfin, ce n'est que mon impression), mais alors !!! quel acteur !! quelle présence !! tout cela m'a fait oublié le Joss que j'avais imaginé il y a plusieurs années... Le personnage est méprisable, horrible, d'une noirceur extrême. La scène de délire de boisson est une anthologie à elle toute seule, on y voit Joss Merlyn délirant, buvant, qui n'est plus que l'ombre de lui-même, d'une saleté innommable, à donner envie de détourner les yeux. En tout cas, c'est une performance d'acteur inoubliable...

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Ensuite, il y bien entendu Jeremiah "Jem" Merlyn, le frère de Joss, le brigand au grand coeur, un tantinet bon à rien (excusez, mais je n'ai pas pris de photo), interprété par Trevor Eve. Bizarrement, ce personnage m'a laissée de glace, malgré que l'acteur soit assez bon.

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N'oublions pas la tante Patience, interprétée par Billie Whitelaw, en pauvre femme apeurée, vivant dans l'ombre de ce mari violent, tremblant dès qu'il met un pied dans la maison... L'arrivée de Mary adoucit un peu son quotidien. On la prend sincèrement en pitié du début à la fin

Et puis, j'ai gardé le meilleur pour la fin, le révérend Francis Davey, le pasteur albinos, interprété par John McEnery.Honnêtement, c'est le personnage que je redoutais le plus de voir apparaître dans l'histoire, car il ne fallait absolument qu'il nous le massacre!! je l'attendais de pied ferme, celui-là !! Et je dois dire que je n'ai pas été déçue, mais alors pas du tout... Francis Davey est la douceur incarnée, l'ami dévoué, toujours présent, toujours à l'écoute des malheurs de Mary et des méfaits de Joss... On le prend parfois un peu pour un doux original (original, il l'est, je confirme), parfois pour une statue de marbre... C'est un personnage troublant, dont on sent progressivement le côté ambigu et paradoxal.

Voilà sa première apparition dans l'épisode 1 quand il rencontre Mary sur la lande, alors qu'elle est s'est égarée.

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Attention, ne pas lire ce qui suit pour ceux qui ne connaissent pas le dénouement de l'histoire !

Immédiatement, Mary se confie à lui, se sentant épaulée par ce dernier. Il faut voir le pasteur, avec ce regard bon, ces manières absolument amicales, recueillir les confessions de la jeune femme. Seul moment où l'on voit transparaître la flamme dans ces yeux pourtant impassibles : quand Mary évoque le délire de boisson de Joss auquel elle a assisté et où elle a tout appris des naufrages. A ce moment, on voit le révérend Davey sourire d'une façon glaciale, en considérant simplement que Joss finira par se perdre à raconter ses petites histoires au tout-venant... Et cela s'arrête là, mais c'est interprété avec une finesse implaccable.Lorsque Mary est enfin convaincue de l'implication du pasteur (et quelle implication), la lente montée de la tension est sublime. Mary est quasiment prostrée dans un coin de la pièce plongée dans la pénombre, n'osant plus parler, n'osant à peine bouger, alors qu'il est là, impassible, doux, aimable, et qu'il se révèle être le diable en personne...

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Comme vous l'aurez compris, j'ai adoré du début à la fin. Il y a des défauts bien sûr et peut-être que certains aspects ne figurent pas dans le roman (la fin notamment, je ne suis pas vraiment certaine que le dénouement de l'intrigue se déroule tout à fait de cette manière), mais elle est vraiment splendide.

On peut être rebuté par la VO uniquement sur le dvd nouvellement disponible sur amazon, dépourvu de sous-titres, mais globalement les acteurs sont faciles à comprendre, sauf peut-être Patrick McGoohan, pour lequel il faut faire bon nombre de marche-arrière pour bien le comprendre. Autant vous dire Jamaica Inn trône en première place dans ma dvdthèque !

02 juin 2008

Au Bonheur des Dames, d'Emile Zola

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Résumé

Denise Baudu, accompagnée de ses deux frères, arrive à Paris, dans l’espoir de trouver un travail chez leur oncle, propriétaire d’un petit commerce. Cependant, la boutique de l’oncle Baudu, comme toutes les autres du quartier, ne se portent pas bien et doivent fermer leurs portes les unes après les autres, en raison de l’installation dans le voisinage, d’un grand magasin, un temple du commerce moderne, Au Bonheur des Dames.
Denise se voit dans l’obligation de prendre une place de vendeuse au Bonheur, où elle passe les heures les plus pénibles de sa vie. Le travail est difficile, ingrat, et ses appointements ne suffisent guère à subvenir aux besoins de la petite famille qu’elle entretient. C’est sans compter les malveillances, les jalousies et les commérages des autres employés du Bonheur. Le directeur de cet établissement aux allures de grande industrie, Octave Mouret, est un jeune homme volage, ambitieux, intriguant et manipulateur. Cependant, malgré son tempérament intraitable et calculateur, Mouret se prend subitement d’affection pour Denise, affection qui grandit involontairement, d’une façon incontrôlable, tandis que la jeune fille, brebis vertueuse dans cet univers sans mercis, voit venir avec douleur la déchéance de toutes les maisons du quartier, écrasées par le succès du Bonheur, broyées sans pitié par les engrenages de sa croissance sans limites.

Mon avis

Au Bonheur des Dames est sans doute le roman le moins noir de la série des Rougon-Maquart d’Emile Zola, sans doute, parce qu’il a une fin plus heureuse que les autres. Pourtant, il est indéniable qu’il a son lot de douleurs, de larmes, d’injustices. On se trouve d’abord dans l’esprit de Denise, jeune fille naïve, innocente, pleine de bonté, lâchée au milieu de cet univers impitoyable, peuplée de gens ambitieux et sans pitié. C’est par elle qu’on apprend à connaître ce monde terrible où elle est contrainte de s’intégrer, bon gré, mal gré, afin de pouvoir subsister. Dans un premier temps, elle ne parvient pas à trouver sa place dans cette machine bien huilée qu’a créé Mouret. Sans l’affection qu’il lui porte immédiatement, Denise n’aurait d’ailleurs jamais trouvé sa place au Bonheur.
Dans un second temps, le lecteur accompagne Mouret dans ses frasques, ses manipulations, mais aussi ses coups de génie, ses prévisions commerciales miraculeuses. C’est cependant grâce à la Femme, grâce à ses envies, ses coquetteries, ses frivolités qu’il battit tout son empire. Et c’est pour cette raison qu’il la tient dans un grand mépris. Il se sert de la Femme pour obtenir des millions, il profite de ses faiblesses, il les exploite, il les foule au pied. Mouret s’est juré de ne jamais aimer et de dédaigner toutes les femmes. Cependant, Denise, petite jeune fille simple, sans le sou, sans beauté particulière, chamboule tout dans le cœur du volage Mouret. C’est justement cette bonté non déguisée, cette franchise enfantine qui fascine le jeune homme et qui le met au pied du mur. Quand celui-ci daigne lui témoigner son affection, en agissant comme il a toujours agi avec toutes les femmes, Denise lui oppose un refus digne et simple qui bouleverse Mouret. Pendant des semaines, des mois, Denise refuse tout de lui, bien que sa tendresse pour cet homme tout-puissant soit depuis le premier jour une certitude dans son cœur. Mais dans sa dignité virginale, Denise s’obstine, croyant que Mouret se moquerait d’elle, comme de toutes les autres. La douce résistance qu’elle lui oppose ne fait qu’exacerber les sentiments du jeune homme, d’abord irrité, menaçant, terrible dans cette colère sournoise qu’il ne peut épancher. Puis, Denise le ramène à la raison, avec la délicatesse, la bonté dont elle enveloppe tout ceux qui l’approchent. La petite vendeuse grimpe les échelons du magasin, devenant d’un précieux conseil pour Mouret, mettant en marche plusieurs innovations sociales pour le personnel… Mais finira-t-elle par céder à son cœur, en dépit des malheurs qui s’abattent sur la maison de son oncle, rongée, écrasée, par la Bonheur ? C’est une question que je laisse en suspens pour tous les lecteurs potentiels…
Oui, Au Bonheur des Dames est avant tout un roman social, mais les sentiments le peuplent de la première à la dernière ligne. Et on en ressort profondément bouleversé. En refermant le roman, on se sent complètement orphelins, tant le style de Zola est précis, poignant, tant les personnages paraissent faire partie de notre quotidien. On est touchés par les malheurs des uns, la réussite des autres.
Mais il faut aussi reconnaître Zola, incroyablement documenté, et visionnaire comme toujours, sur l’avenir social de notre monde.

Le Bonheur des Dames, le 11e roman de la saga des Rougon-Maquart, va être prochainement adapté par la BBC, dans le cadre d’un téléfilm.
On pourrait souhaiter aussi que les splendides adaptations produites par cette chaîne s’atèle à la réalisation de la Faute de l’Abbé Mouret, également un merveilleux roman de la série, qui narre l’histoire du frère d’Octave, l’abbé Serge Mouret.