L'Auberge de la Jamaïqued'après le roman de
Daphné du MaurierAdaptation produite par ITV (1983)J'avais vu cette version il y a très longtemps lors de sa diffusion à la tv, et j'en gardais un souvenir assez flou, hormis le fait de la sensation éprouvée à l'époque dans mon esprit d'enfant : une adaptation noire, inquiétante, avec des paysages battus par les vents, des mers déchaînées.Et c'est tout à fait ça. Je suis mal placée pour faire un parallèle valable avec le roman, car ma lecture remonte un peu... Je vais donc simplement parler de mon ressenti suite au visionnage.
J'en ressors très satisfaite, voire très emballée. Certes, l'image n'est pas toujours de très bonne qualité, mais il est indéniable que les décors sont vraiment bien choisis. Il y a tout d'abord la mer, évidemment très présente (peut-être pas autant que je l'avais imaginé, mais enfin...), les naufrages, les navires. Pour une adaptation télévisée, je dois dire que les moyens sont très bons et que tout est très soigné, ce qui m'a agréablement surprise.
Enfin, il y a l'auberge de la Jamaïque, cette sombre masure de pierres noires, plongée dans la brume, gorgée d'humidité, qui vous fait froid dans le dos...
Et puis, il y a la lande grise et son manteau de brouillard, qui est telle que je l'imaginais à la lecture du roman...
Passons ensuite aux personnages.
Il y a bien sûr l'héroïne,
Mary Yelan, jeune femme indépendante, au caractère intrépide, interprétée par la très jolie
Jane Seymour. Je la trouve d'ailleurs parfois un peu trop jolie, un peu trop apprêtée, un tantinet trop propre (c'est très péjoratif ce que je dis là ) pour la cadre dans lequel elle évolue... Enfin, je ne peux vraiment pas m'arrêter à ça, car à ça ne m'a absoluement pas dérangé... J'ai trouvé l'actrice vraiment très bien, très fraîche, très vivante, très intelligente, en un mot, elle n'est pas loin du personnage que j'avais en tête.
Ensuite, il y a l'incontournable
Joss Merlyn, un personnage qui m'avait terrifiée à la lecture et que je trouve bien différent de l'image que je m'en étais faite. Celui-ci est interprété par le terrible
Patrick McGoohan, excellentissime, bien qu'un tout petit peu trop âgé (enfin, ce n'est que mon impression), mais alors !!! quel acteur !! quelle présence !! tout cela m'a fait oublié le Joss que j'avais imaginé il y a plusieurs années... Le personnage est méprisable, horrible, d'une noirceur extrême. La scène de délire de boisson est une anthologie à elle toute seule, on y voit Joss Merlyn délirant, buvant, qui n'est plus que l'ombre de lui-même, d'une saleté innommable, à donner envie de détourner les yeux. En tout cas, c'est une performance d'acteur inoubliable...
Ensuite, il y bien entendu
Jeremiah "Jem" Merlyn, le frère de Joss, le brigand au grand coeur, un tantinet bon à rien (excusez, mais je n'ai pas pris de photo), interprété par
Trevor Eve. Bizarrement, ce personnage m'a laissée de glace, malgré que l'acteur soit assez bon.
N'oublions pas la tante
Patience, interprétée par
Billie Whitelaw, en pauvre femme apeurée, vivant dans l'ombre de ce mari violent, tremblant dès qu'il met un pied dans la maison... L'arrivée de Mary adoucit un peu son quotidien. On la prend sincèrement en pitié du début à la fin
Et puis, j'ai gardé le meilleur pour la fin,
le révérend Francis Davey, le pasteur albinos, interprété par
John McEnery.Honnêtement, c'est le personnage que je redoutais le plus de voir apparaître dans l'histoire, car il ne fallait absolument qu'il nous le massacre!! je l'attendais de pied ferme, celui-là !! Et je dois dire que je n'ai pas été déçue, mais alors pas du tout... Francis Davey est la douceur incarnée, l'ami dévoué, toujours présent, toujours à l'écoute des malheurs de Mary et des méfaits de Joss... On le prend parfois un peu pour un doux original (original, il l'est, je confirme), parfois pour une statue de marbre... C'est un personnage troublant, dont on sent progressivement le côté ambigu et paradoxal.
Voilà sa première apparition dans l'épisode 1 quand il rencontre Mary sur la lande, alors qu'elle est s'est égarée.
Attention, ne pas lire ce qui suit pour ceux qui ne connaissent pas le dénouement de l'histoire ! Immédiatement, Mary se confie à lui, se sentant épaulée par ce dernier. Il faut voir le pasteur, avec ce regard bon, ces manières absolument amicales, recueillir les confessions de la jeune femme. Seul moment où l'on voit transparaître la flamme dans ces yeux pourtant impassibles : quand Mary évoque le délire de boisson de Joss auquel elle a assisté et où elle a tout appris des naufrages. A ce moment, on voit le révérend Davey sourire d'une façon glaciale, en considérant simplement que Joss finira par se perdre à raconter ses petites histoires au tout-venant... Et cela s'arrête là, mais c'est interprété avec une finesse implaccable.Lorsque Mary est enfin convaincue de l'implication du pasteur (et quelle implication), la lente montée de la tension est sublime. Mary est quasiment prostrée dans un coin de la pièce plongée dans la pénombre, n'osant plus parler, n'osant à peine bouger, alors qu'il est là, impassible, doux, aimable, et qu'il se révèle être le diable en personne...
Comme vous l'aurez compris, j'ai adoré du début à la fin. Il y a des défauts bien sûr et peut-être que certains aspects ne figurent pas dans le roman (la fin notamment, je ne suis pas vraiment certaine que le dénouement de l'intrigue se déroule tout à fait de cette manière), mais elle est vraiment splendide.
On peut être rebuté par la VO uniquement sur le dvd nouvellement disponible sur amazon, dépourvu de sous-titres, mais globalement les acteurs sont faciles à comprendre, sauf peut-être Patrick McGoohan, pour lequel il faut faire bon nombre de marche-arrière pour bien le comprendre. Autant vous dire Jamaica Inn trône en première place dans ma dvdthèque !