28 août 2009

Le Fantôme de Baker Street de Fabrice Bourland

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Les détectives Andrew Singleton et James Trelawney recoivent un jour une singulière visite. La dame élégante qui se présente ce matin de 1932 dans leur salon n'est autre que Lady Jean Conan Doyle, la veuve du fameux créateur de Sherlock Holmes. En mourant, son mari lui a confié un message des plus singuliers , tandis que des phénomènes étranges se trament au n°221 de Baker Street, qui semble hanté par un bien curieux pensionnaire... Pendant ce temps à Londres, d'horribles crimes, imitant les lugubres forfaits de certains personnages de la littérature victorienne, sont perpétrés avec une régularité sinistre. Singleton et Trelawney vont se retrouver plongés dans une enquête où la frontière entre la réalité et la fiction ne paraît plus si infranchissable...

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Voilà bien un livre dont le titre et le résumé de l'éditeur m'avaient fort intriguée. Je vais tâcher de ne pas réitérer ici les arguments du très bon article de Gabriel sur le sujet... Mais mon enthousiasme en demi-teinte méritait un article sur cet ouvrage, qui sur le concept, est plutôt réussi. Difficile d'éviter les spoilers pour exprimer le fond de ma pensée, aussi veuillez m'excuser si je dévoile une partie de l'intrigue dans ce qui suit...
L'idée de ce livre est foncièrement plaisante et originale : à savoir celle qui voudrait que les personnages de romans ont une existence éthérée dont la force et la consistance varient avec l'enthousiasme que les lecteurs leur portent... Quel sentiment sublime que celui qui voudrait que ces héros n'existent plus uniquement dans l'imaginaire, mais que la force de la pensée collective leur confèrent un statut d'esprit indépendant !
C'est un concept qui laisse rêveur, et les matérialisations spirites qui sont restranscrites dans ce roman ne peuvent que donner au lecteur une délicieuse impression de voeu enfin exaucé...
Mais comme je l'ai dit, mon avis est légèrement nuancé, car même si le principe du roman et sa trame sont jubilatoires, le style l'est un peu moins. L'écriture est relativement fluide, agréable, mais manque indéniablement de maturité. Les deux personnages principaux, qui ne sont pas sans rappeler le tandem Holmes-Watson, même s'ils paraissent attachants, ne parviennent pas à être réellement pris au sérieux.
Quant à l'issue du récit, qui j'aurais imaginé en apothéose, elle m'a laissée sur ma faim.
En deux mots : la grandeur de l'idée et le style du récit ne coïncident pas suffisamment pour que ce livre soit un grand livre.
Reste une histoire originale, décalée et charmante que je conseille à tous les amoureux de la littérature victorienne et de Sherlock Holmes.

25 août 2009

L'élégance du hérisson de Muriel Barbery

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Le hérisson, c'est Renée, concierge du 7 rue Grenelle, un immeuble bien mis et peuplé d'un échantillon non négligeable de puissants de ce monde. Renée, à première vue, est l'archétype de la concierge : elle n'est ni jolie, ni aimable, ni cultivée. Dans ce monde où il est de bon ton de ne pas franchir les barrières sociales, Renée s'évertue à dissimuler à autrui sa véritable nature : elle lit les philosophes, Marx et Tolstoï... et se gausse de ces nantis nombrilistes qui pose sur elle un regard méprisant.
A l'étage au-dessus vit Paloma Josse, une jeune fille de 13 ans, d'une intelligence hors norme, qui veut fuir ce monde de privilèges et de bassesse au point d'en vouloir finir avec la vie.
L'arrivée d'un nouveau voisin, Kakuro Ozu, va soudain mettre sans dessus-dessous les existences de Renée et Paloma, bousculant leurs a priori et leur vision du monde.

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A travers les pensées croisées de Renée et de Paloma, le lecteur évolue dans une sphère ouatée, pleine de sens et de profondeur, pourtant à travers un quotidien banal mais qui se revèle d'une richesse et d'une sagesse rares.
L'écriture est belle, limpide, élégante, subtile et intelligente. En un mot, une rareté. Un texte jubilatoire qui allie à la fois la tristesse résignée et la pertinence d'un humour vrai.

Il est indéniablement l'un des meilleurs livre que j'ai pu lire cette année, une perle entre les perles, qui donne à réfléchir et qui porte en elle un enseignement d'une beauté pure et discrète.

Un roman à mettre entre toutes les mains... !

A noter que le film Le Hérisson, de Mona Anache, avec Josiane Balasko, librement inspiré du roman, est sorti cette année. Je ne l'ai malheureusement pas encore vu, je ne puis donc émettre aucun avis à ce sujet.

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18 août 2009

La Poupée Sanglante et La Machine à Assassiner de Gaston Leroux

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Résumé

Benedict Masson, relieur d'art et poète de génie, mais atrocement laid, se meurt d'amour pour sa voisine, la belle Christine Norbert, la fille de l'horloger et la fiancée du prosecteur Jacques Cotentin. Benedict la sait amoureuse d'un étrange personnage, aux allures de statue de cire, qu'elle cache dans sa chambre... Qui est cet homme que nul ne voit jamais, et qui semble dénué de paroles et presque de vie ?
Cependant, quand Christine demande à Benedict de bien vouloir accepter un emploi à ses côtés chez le Marquis, qui la poursuit de ses assiduités, Benedict ne sait pas encore qu'il va être précipité dans une fresque horrifique dont il va devenir à la fois l'acteur et la principale victime. Accusé injustement de multiples meutres, le poète est jugé et condamné à monter sur l'échafaud... A moins que le prosecteur ne ravisse auparavant son âme à la mort...

Mon avis

Ce roman à deux volets de Gaston Leroux est à l'image des romans horrifiques et fantasmagoriques dont seul cet auteur de génie a eu le secret. A la fois très éloigné de la saga des Rouletabille et son style d'intrigue policière, à la fois proche du Fantôme de l'Opéra par la profondeur des personnages qu'il présente, La Poupée Sanglante et la Machine à Assassiner ont leur marque propre (même si on peut bien entendu faire le rapprochement avec le Frankenstein de Mary Shelley). Si on retrouve le style journalistique et précis de Gaston Leroux (dont c'est ici une des dernières oeuvres, publiée en 1923), l'utilisation répétitive de l'italique, sorte de choc "visuel" supplémentaire pour le lecteur qui ne peut s'empêcher d'y attacher toute son attention, les romans sont empreints d'un inévitable parallèle entre le scientifque et l'occulte, entre le rationnalisme et la croyance populaire, entre l'esprit cartésien et l'imaginaire le plus effroyable. Car si certains passages peuvent paraître tout bonnement farfelus, le contenu demeure profondément sombre et réfléchi, suggèrant des interrogations éthiques ou spirituelles qui laissent le lecteur pensif, voire grave.

En deux mots, il s'agit là d'une oeuvre qui ne peut laisser indifférent, qu'elle nous atterre ou qu'elle nous glace.


Si on peut sans aucun doute rapprocher certains personnages de ces romans avec ceux du Fantôme de l'Opéra (notamment au niveau de l'héroïne, dans la similitude des prénoms), ils entrent tout à fait dans une catégorie différente. Chrisine Norbert n'a pas grand chose à voir avec la Christine Daaé jeune et naïve, entièrement effrayée, presque passive et soumise du F de l'O. Christine Norbert est déterminée, impétueuse, en un mot l'antithèse de son (presque) homonyme.

Benedict a une âme semblable à celle d'Erik, malheureuse, géniale, mais violente. Une idée commune les unit : la grandiloquence de leur parole, voire la mégalomanie de leurs actes (puisque peu à peu, chez Benedict/Gabriel, l'absence de parole, est compensée brutalement par une apparence glacée et des actes grandioses, qui envahissent finalement à eux seuls tout l'espace narratif).

Reste aussi l'aspect non négligeable du vampirisme évoqué dans ces romans, qui hante véritablement toute la lecture, et que l'auteur parvient à expliquer d'une façon pour le moins suprenante et quasiment... scientifique... !


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A noter qu'une adaptation de la Poupée Sanglante a été tournée dans les années 70 sous la forme d'un téléfilm, avec Yolande Folliot, Jean-Paul Zehnnacker et Ludwig Gaum, malheureusement indisponible depuis de nombreuses années...

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La Poupée Sanglante et la Machine à Assassiner de Gaston Leroux, disponibles aux éditions Motifs.