20 janvier 2012

Le Mystère d'Edwin Drood, de Charles Dickens

Edwin Drood est un jeune homme promis à un bel avenir : fiancé très jeune, par la volonté de son père défunt, à la très jolie Rosa Bud, il doit après son mariage, partir pour l'Egypte reprendre les affaires familiales.
En visite à Cloisterham où réside Rosa, elle aussi orpheline, il prend ses quartiers chez son oncle, John Jasper, maître de chapelle à la cathédrale. 
Edwin ignore que ce dernier, de seulement quelques années son aîné, fréquente les fumeries d'opium de l'East End, et nourrit un amour plus qu'inquiétant pour la jeune Rosa.
D'autre part, l'arrivée de deux jeunes gens, Helena et Neville Landless, à Cloisterham, sème le trouble dans cette  trop paisible communauté. Après avoir rompu secrètement ses fiançailles avec Rosa, Edwin Drood disparaît brutalement...  

***
"Le Mystère d'Edwin Drood", résidait depuis longtemps sur mon étagère, prenant la poussière en attendant paisiblement d'être lu... Seulement voilà, il aurait encore pu y rester de longs mois, si la BBC ne s'était pas emparé de cette oeuvre pour le moins énigmatique de Dickens. Quinzième et dernier roman de l'auteur, resté inachevé à la mort de ce dernier, le Mystère d'Edwin Drood a incité toutes sortes de théories. Le roman en effet, n'était sans doute guère qu'à la moitié de son intrigue à la disparition de l'écrivain, et "le mystère" de la disparition du personnage, ou de son assassinat, comme le dit le postulat le plus courant, est donc resté entier.

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Rosa (Tamzin Merchant) et Edwin Drood (Freddie Fox)

A cheval entre le romanesque et le roman d'intrigue, Le Mystère d'Edwin Drood est en effet une oeuvre singulière, qui demeure néanmoins très sombre sur le contenu. Les personnages y sont passionnants, à la fois attachants ou délicieusement détestables. Edwin Drood tout d'abord est un jeune homme insouciant, qui traite la vie et les choses, même les plus sérieuses, avec une légèreté toute juvénile, au point qu'il en arrive à paraître merveilleusement agaçant la plupart du temps. Il demeure néanmoins un personnage sympathique, dont on ne sait au juste quel sort ou quelle fin l'auteur lui avait réservé. Rosa Bud, quant à elle, est comme son nom l'indique si bien "un joli bouton de rose"... fraîche jeune fille de 17 ans, têtue, enfantine, charmante, et gaie, comment ne pas l'aimer ? Elle est animée d'une franchise et d'une innocence magnifique, et dans chaque ligne, on la sent lumineuse et vivante, même si elle a quelques manières d'enfant trop gâtée...

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Rosa (Tamzin Merchant) fait part de ses doutes à son tuteur, Mr Grewgious (Alun Armstrong, alias Thénardier du TAC des Misérables 1995...)


Cependant, la seule ombre au tableau de ce jeune couple de fiancés, est qu'ils ne s'aiment pas autrement que fraternellement, et qu'ils décident d'un commun accord, très délicat et très admirable, de ne pas s'engager dans un mariage malheureux...  Si le roman s'était borné à cet aspect des choses, le lecteur se serait sans doute singulièrement ennuyé... Cependant, il y a bel et bien un "moteur" à cette histoire, et ce moteur n'est autre que le personnage noir et destructeur du roman, John Jasper. Je vais fièrement plagier Lorinda, en qualifiant clairement ce personnage de "frollien"... Il en a en effet toutes les caractéristiques, bien que le roman de Dickens ne lui ait pas laissé beaucoup de place quant à la description de sa personnalité réelle. Certains spécialistes de Dickens l'ont qualifié de "Jekyll et Hyde", et cela est facilement compréhensible, si l'on veut du moins expliquer la dichotomie entre les deux personnalités que l'on voit émerger au fil du roman...

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John Jasper (Matthew Rhys), le tuteur d'Edwin, émergeant de l'un de ces délires d'opiomane.

 John Jasper a toutes les allures d'un personnage respectable : maître de chapelle à la cathédrale, maître de musique, chef de choeur, il est estimé de ses pairs, et adoré par son neveu Edwin. John Jasper, de son côté, voue un véritable culte à son neveu, dont il est seulement l'aîné de 5 ou 6 ans. Les deux hommes se vouent une admiration et une affection réciproques, dont on ne peut en aucun cas douter. Et pourtant, John Jasper s'adonne à la prise d'opium, suffisamment souvent et de si fortes doses, qu'il lui arrive de ne plus savoir qui il est, ni ce qu'il fait.
D'autre part, l'amour qu'il éprouve pour Rosa, la fiancée d'Edwin, a quelque chose d'inquiétant et de terrible que l'on peine véritablement à expliquer. Cette passion folle et presque mauvaise, n'est décrite que par les yeux de Rosa, dans la première partie du roman. Cette passion, elle la connaît, sans qu'il lui en ait jamais dit le moindre mot :

"Cet homme me terrifie, il hante mes pensées comme un redoutable fantôme. J'ai l'impression de n'être jamais hors de son atteinte, il me semble qu'il serait capable de passer à travers le mur dès qu'on parle de lui."

"Ses regards ont fait de moi une esclave. Il m'a forcée à le comprendre sans qu'il ait prononcé une parole, il m'a forcée à garder le silence sans qu'il ait proféré une menace. Quand je suis au piano, ses yeux sont rivés sur mes mains. Quand je chante, ses yeux sont rivés à mes lèvres. Quand il me reprend, s'il frappe une note ou un accord ou bien s'il joue un passage, il est présent, en personne, dans les sons qu'il produit (...)"

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Rosa (Tamzin Merchant), et John Jasper (Matthew Rhys) l'accompagnant au piano... Scène merveilleusement troublante et révélatrice ... (Cliquer sur les images pour voir en grand format)

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La "déclaration" menaçante de John Jasper à Rosa.

Alors qu'Edwid Drood a "disparu" depuis plus de 6 mois, et que toute sa famille en porte le deuil sans qu'on ait pourtant retrouvé son corps, John Jasper se présente à Rosa, et l'on assiste sans doute à une déclaration d'amour merveilleusement passionnée, mais d'un tel égoïsme, qu'elle m'a forcément rappelée celle de Claude Frollo à la prison (sans être pour autant si longue)... - sans doute aussi parce que je l'ai relue il y a peu - mais aussi certainement parce que la tension dramatique est à son comble. La crainte déraisonnée que Rosa éprouvait déjà pour John Jasper, se métamorphose à cet instant en véritable terreur. Amoureux éconduit, Jasper se révèle sous son véritable jour : la violence de ses sentiments s'extériorise, alors qu'elle était depuis trop longtemps bridée. A bout d'arguments, mais certainement pas à bout de ressources, le maître de chapelle utilise le chantage, la menace.

La jeune femme le repousse avec une telle horreur, que la scène qui se serait voulue romantique vire au drame. Celle-ci qui se conclut par cette inoubliable phrase de Jasper (que l'acteur de la version récente de la BBC, Matthew Rhys, a magnifiquement rendue, en murmurant dans un sourire carnassier, et avec un regard pour le moins inquiétant) :

"Je vous aime, je vous aime, je vous aime ! Si vous me repoussiez maintenant - ce que vous ne ferez pas - jamais vous ne seriez délivrée de moi. Nul ne pourrait s'interposer entre nous. Je vous poursuivrais jusqu'à la mort."

Comment, décidément ne pas penser à un personnage frollien, délicieusement ambigu, à la personnalité trouble, l'un des ces personnages à l'apparente droiture morale, voire à une certaine rigidité, et capable dans la même minute des pires bassesses. Au même titre que son homologue hugolien, si je puis me permettre de le nommer ainsi, aucune abnégation, juste cette souffrance égoïste, cette douleur déchirante et pourtant inquiétante, qui entraînera à sa suite tous ceux qu'il touche.

Bref, on l'aura compris, j'ai été charmée par ce roman, captivée par les personnages de Rosa, Edwin et Jasper, qui sont tous trois d'une grande richesse...

Mais comment oublier la galerie de personnages plus ou moins secondaires, à la fois tragiques, drôles ou touchants, parmi lesquels on retiendra particulièrement Helena et Neville Landless , ou encore le révérend Crisparkle, le personnage sans doute le plus estimable de cette fresque inachevée...

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Mrs Crisparkle (Julia McKenzie) et le révérend Septimus Crisparkle (talentueux Rory Kinnear)


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Helena (Amber Rose Revah) et Neville Landless (Sacha Dhawan)

L'adaptation de la BBC a d'ailleurs si bien rendu hommage au roman, que l'on ne peut que saluer tout le travail réalisé par Gwyneth Hughes sur le scénario, en le complétant avec beaucoup de respect. La fin - sans que je n'en révèle le moindre mot, est absolument à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer, sans oublier le sort réservé au maître de chapelle, qui ne pouvait décidément échapper à ses démons, ni à l'inéluctable tragédie.

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John Jasper (impressionnant Matthew Rhys)

Merci à http://rawr-caps.livejournal.com/ pour les photos du téléfilm ;-)

15 janvier 2012

Fantômas (série) - 1979

Série française de 1979, réalisée par Claude Chabrol et Juan Luis Buñuel.
Episode 1 : l'échafaud magique
Episode 2 : L'étreinte du diable
Episode 3 : La mort qui tue
Episode 4 : Le tramway fantôme

Avec Jacques Dufilho (Juve), Pierre Malet (Fandor), Hemlut Berger (Fantômas), Gayle Hunnicut (Lady Beltham), Jean-Paul Zehnnacker (Loupart), Fabrice Luchini, Hélène Duc, Jean-Pierre Coffe, etc.

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Ah ! comment décrire parfaitement cette série au doux parfum des années folles, à l'ambiance si délicieusement mystérieuse, et au charme un peu désuet ?
En tout cas, quelle belle découverte que cette série récemment éditée en dvd par l'INA, dont il ne subsistait pour ainsi dire aucune trace depuis sa diffusion en 1980 sur Antenne 2... !

Cette série compte 4 épisodes, dont la qualité est - il faut bien l'avouer - parfois un peu discutable : des mauvais raccords entre deux séquences coupées, quelques défauts ça et là dans le jeu des acteurs, un goût généralement un peu kitsch dans la mise en scène, voilà ce que l'on pourrait reprocher dans la globalité à cette série. D'autre part, le jeu de Jacques Dufilho paraît également parfois tellement détaché et peu sérieux que l'on a tendance à perdre tout crédit pour ce pauvre inspecteur Juve.

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Jacques Dufilho (Juve) et Pierre Malet (Fandor)

Malgré tout, il y a un charme vieillot dans ces 4 adaptations de l'oeuvre d'Allain et Souvestre, qui n'est pas pour déplaire.
Il y a le vieux Paris de l'entre-deux guerres, les trains à vapeur, les ruelles sombres,... et puis il y a bien entendu le mythe de Fantômas... Car que serait finalement ces films sans le "génie du crime", dont l'ombre funeste et délétère plane et pèse sur chaque scène ? Par certains côtés, cette version me fait inévitablement penser à La Poupée Sanglante, réalisée dans la même période, sublime adaptation du roman de Leroux avec Jean-Paul Zehnnacker et Yollande Folliot dans les rôles titres (merci encore à Claire pour cette découverte splendide !)... Et comme par hasard, alors que cette idée s'insinue chez le spectateur, on peut reconnaître clairement la voix de ces deux monstres sacrés du petit écran, pour réaliser le doublage de Helmut Berger et Gayle Hunnicutt (le monde est décidément fort petit, n'est-ce pas ?) !
Mais je reviendrai sur ces deux comédiens un peu plus tard.
Comme je l'ai mentionné plus haut, il m'a été globalement difficile de m'habituer au jeu de Jacques Dufilho. Il faut dire que j'avais une toute autre image de l'inspecteur Juve, depuis ma lecture de quelques volumes de la série. On peut être bien évident très marqué par l'interprétation de Louis de Funès dans le rôle, mais s'il a toute l'énergie voulue pour le personnage, l'humour fait bien entendu partie intégrante du fonctionnement de ces films, pour le plus grand bonheur des spectateurs, dont je fais partie. Les adaptations de Fantômas de Hunnebelle ont connu un succès qui ne se dément pas au fil des décennies, mais le véritable cadre des histoires de Souvestre et Allain est à mille lieues de celles-ci. N'oublions pas que le Fantômas original est un criminel de la pire espèce, un fou sanguinaire, mégalomane et inquiétant, qui étrangle, assassine, terrorise, tous ceux qui pourraient le gêner dans ses projets funestes. Bref, c'est un personnage terrible, qui non content d'être un véritable génie en la matière, a réussi à demeurer inconnu, insaisissable, pour ne pas dire, invisible. Nul ne sait véritablement à quoi il ressemble, puisqu'il n'a pas de visage, et il n'a pas même pas d'empreintes, c'est dire... On comprend que la police ne soit pas à la hauteur d'un tel criminel. Seuls Juve et Fandor - excellent Pierre Malet dans ce rôle de jeune journaliste plein d'énergie et de bons sentiments - sont capables de le poursuivre, au risque de leur vie.

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J'en viens donc à Helmut Berger, monstre sacré du cinéma (éternel Ludwig de Visconti),qui prête ses traits, son dandysme et son élégance trouble, presque vénéneuse au personnage qu'il campe merveilleusement. Rien que son regard inspire un frisson irrépressible...

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Première apparition de Fantômas sous l'un de ses déguisements... (excellent Helmut Berger)

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Mais Fantômas, c'est aussi ce vagabond...

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...Ou encore, cet honnête banquier...


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Certains auront reconnu Gayle Hunnicutt, la troublante Lady Beltham, la maîtresse et la complice de Fantômas... qui a été quelques années plus tard "THE Woman", aux côtés de Jeremy Brett dans la série Sherlock Holmes de la Granada en 1984...


Gayle Hunnicutt campe une Lady Beltham tantôt désarmante de sincérité, tantôt terriblement manipulatrice...  Un personnage un peu surréaliste, à la fois ange et démon, qui convient merveilleusement bien au cadre général de la série.

Il y aurait tant à dire sur cette série, au format plutôt confortable de 1h30 en moyenne par épisode, durant laquelle on se régale du début à la fin... 
Avis aux amateurs du genre, malgré des imperfections, et malgré aussi une réalisation qui accuse un peu son âge.
Néanmoins, cela donne inévitablement l'envie de ressortir son recueil de Souvestre et Allain dans les plus brefs délais... !

09 janvier 2012

Sherlock Holmes (comic book)

Titre original : The Trial of Sherlock Holmes


Scénarisé par Leah Moore et John Reppion.
Mis en images par Aaron Campbell.
(Panini Comics - 2011)


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Le grand détective Sherlock Holmes est réclamé au chevet de Sir Henry, un ancien commissaire du yard à l'agonie. Ce dernier a reçu une lettre inquiétante, disant qu'il serait assassiné chez lui le lendemain à 7 heures précises. L'inspecteur Lestrade, accompagné de Holmes et du Dr Watson, se chargent de la surveillance du vieil homme jusqu'à l'heure fatidique. Quand un coup de feu retentit, alors que Holmes est demeuré seul avec Sir Henry et que l'on découvre celui-ci assassiné, tout semble accuser le détective. 
Est-il réellement le responsable de cet assassinat ? Ou s'agit-il d'une conspiration ?

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Voilà encore une bien jolie découverte, faite dans le très surprenant rayon Comics... Car en réalité, cet ouvrage graphique n'a de comics que le nom. Il possède tous les ingrédients de la bande dessinée classique, qui est donc très "européanisée", si je puis dire.
Véritable petit bijou visuel, The Trial of Sherlock Holmes, intitulée très sobrement Sherlock Holmes en français est en réalité une excellente surprise, là où l'on pouvait s'attendre à un énième pastiche sans envergure, ni nouveauté. Le scénario est bien mené, et l'intrigue tout à fait efficace, sans être le moins du monde alambiquée. La plus belle réussite à ce niveau est sans doute le soin et le grand respect dont les auteurs ont fait preuve en abordant les personnages originaux. Certains auteurs brillants s'y sont déjà cassés les dents... Il ne s'agit sans doute pas d'une oeuvre à la hauteur du HOLMES de Cecil et Brunschwig (dont le 3ème tome se fait désespérément attendre), mais on est face à une indéniable réussite dans le divertissement, mais aussi dans l'aspect graphique très soigné. L'importance accordée aux clairs/obscurs n'est également pas pour déplaire les admirateurs du genre, avec malgré tout des couleurs de fond très lumineuses, qui empêchent de rendre le résultat final trop "dépressif".

A lire et à découvrir !

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Un 4ème de couverture qui en dit long sur le splendide contenu graphique...