05 juin 2009

Axelle de Pierre Benoit

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Résumé

Pierre Dumaine, prisonnier français dans la terrible Allemagne de Guillaume II, est envoyé dans un camp de représailles dans une région lugubre du nord de la Prusse durant l'hiver 1917.
Le commandant du camp apprenant que ce dernier était ingénieur en électricité avant la guerre, on décide de l'envoyer à Reichendorf pour y réaliser des travaux dans une antique demeure seigneuriale, où tout semble être à l'abandon depuis trop longtemps et où les quelques habitants semblent faire figure de spectres. Parmi eux, il y a Axelle, la belle-fille du Duc de Reichendorf, qui erre dans ce château et sur cette lande battue par les vents.
Tour à tour d'un tempérament résigné ou intraitable, la jeune femme inspire à Pierre au fil des mois une admiration distante et respectueuse, tandis qu'au dehors, une guerre se poursuit que tous finissent par croire interminable...

Mon avis

Ma première approche avec Pierre Benoit remonte à quelques mois avec l'Atlantide. Tentative infructueuse, car le roman ou du moins ses premières pages n'ont pas réussi à me captiver. Avec Axelle, c'est tout à fait une autre histoire, un autre monde, une autre poésie.
Dans une langue simple, belle, imagée, Pierre Benoit installe immédiatement son lecteur dans une histoire que le touche visiblement d'une façon très personnelle. Forcément, on y entre avec une facilité déconcertante, et on progresse dans l'histoire avec la même mélancolie que son narrateur, avec la même résignation triste.

Si Axelle met en lumière les atrocités de cette guerre, elle brosse aussi le portrait de personnages attachants dans différentes mesures et à différents degrés. Tout d'abord Axelle est un personnage particulièrement ambivalent. Elle peut être d'une douceur affable, ou d'un autoritarisme militaire très déconcertant. Elle ressemble, par cette facette de son caractère, aux héroïnes (du moins, si on peut leur donner ce nom) glaciales et manipulatrices de Daphné du Maurier. On peut surtout la considérer comme tiraillée par des obligations personnelles et une histoire familiale assez lourdes à porter. Et puis, ce livre est finalement caractérisé par le peu de dialogue entre les deux protagonistes, et on finirait par se demander pourquoi le héros est littéralement magnétisé par le personnage féminin, si ce n'est en raison de l'attraction universelle des contraires, et de l'amour de la contadiction de principe.
Dietrich de Reichendorf, le fils cadet de l'ancien officier du château et le fiancé d'Axelle, est un personnage très riche et d'une mélancolie particulièrement touchante, tant elle semble mesurée et juste. C'est une âme blessée, car repoussée par son propre père, qui ne voit en lui qu'un vulgaire officier d'infanterie, qui préfère chérir des fils morts auréolés de gloire au champ de bataille, et qui ont dilapidé l'entièreté de leur héritage et leur solde sur les tables de jeu... Le personnage n'est malheureusement pas très présent dans le roman, et il finit par s'effacer comme il est apparu.
De très beaux portrais psychologiques et un style plein de retenue et de délicatesse.

11 commentaires:

  1. J'ai lu ce livre (et d'autres du même auteur) quand j'avais une vingtaine d'années. J'ai appelé Axelle ma fille aînée née en 1977, ce qui, à l'époque, n'était pas un prénom courant. Actuellement, beaucoup plus.

    Toutefois, le roman de Pierre Benoit qui m'a tenu éveillé jusqu'au terme de l'histoire, c'est "La chaussée des géants".

    J'ai aujourd'hui 61 ans, et je me suis toujours dit que je devrais relire ces romans, pour voir comment ont évolué les goûts depuis que j'avais 20 ans. J'ai peur d'être un peu déçu, mais peut-être pas!

    Daniel

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  2. Bonjour Daniel et merci pour votre commentaire (et le premier sur cet article) !

    Mon prochain Pierre Benoît sera certainement la Chaussée des Géants, qui m'a été aussi maintes fois conseillé. Je vais suivre votre avis !

    A bientôt je l'espère.

    Clelie.

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  3. Merci à Clélie d'avoir, par ce blog, ressuscité un peu l'intérêt pour un roman, et pour un auteur, très sous-estimés.

    Axelle - un des plus beaux romans de Pierre Benoît, et peut-être le plus humain.

    Je l'ai lu pour la première fois il y a dix ans. Je l’ai relu bien souvent depuis, et chaque fois, je lui découvre un sens nouveau, des subtilités cachées, des imbrications complexes entre les personnages.

    J’ai appris à aimer la pudeur avec laquelle Benoit décrit la relation, somme toute très charnelle, de Dumaine avec Axelle. Il faut lire entre les lignes pour voir toute la puissance de l'amour qui naît entre les personnages, grandit, puis culmine avec la nuit de tempête, dans la chambre d'Axelle.

    Les personnages sont réalistes, vivants. Jusqu'aux camarades de Dumaine: Fichet, Sylvestre, Audemard, Gourrut (qui a déjà figuré dans "l'Atlantide"), qui prennent vie grâce au langage populaire, fidèlement reproduit.

    Habilement, Pierre Benoît tisse, entre l’histoire humaine des personnages, l’histoire des nations, de la Prusse, de l’Allemagne, de la France.

    C’est aussi la chute, l’échec de l’impérialisme, le tragique réveil des nations, qui se voyaient l’une à Berlin, l’autre « nach Paris », en six semaines. Et qui on vu décimée, envoyée à l’abattoir, la fine fleur de sa jeunesse, tous ses hommes valides, et même « les très anciennes classes, des hommes qui ont repris, trois, quatre fois le chemin du front ».

    C’est aussi, thème récurrent dans les romans de Pierre Benoît, la chute et la décadence de la noblesse, l’émergence de la bourgeoisie libérale.

    C’est aussi, la profonde empreinte de la guerre sur le territoire, les villages détruits, les frontières remaniées.

    Enfin, c’est le contraste entre les nations qui se battent, et les hommes qui, malgré tout ce qui les oppose, se retrouvent:

    - les prisonniers français, qui passent le temps en jouant aux cartes avec leurs gardes allemands ;

    - Dietrich et Dumaine, qui se sont battus l’un en face l'un de l'autre sur le champ de bataille, sans le savoir ; et qui s'unissent face aux idées dépassées et archaiques du General de Reichendorf.

    C'est la souffrance humaine, au-delà et au-dessus des nations et des cultures.

    Jusque dans la scène finale entre le soldat allemand démobilisé et Dumaine, qui se rencontrent par hasard, dans la gare de Koenigsberg. La sublime conclusion de la fin : Dumaine passe pour un soldat allemand.

    Le lecteur croira qu’il reste sur sa faim quant à la relation entre Dumaine et Axelle de Mirrbach. Il n’en est rien. On ne comprend qu’avec le recul, ou à la seconde lecture, que les paroles d’Axelle "Il est facile au vainqueur de tendre la main - est-il aussi facile pour le vaincu de l'accepter? » sont capitales.

    Cette fille de Junkers croit qu’elle peut échapper à la puissance de son éducation, de son histoire, de ses ancêtres, ainsi que l’a fait son père avant elle.

    On le comprend dans la scène de l’aéroplane, quand Dumaine est allé à sa recherche avec Gottlieb, puis reste seule avec elle. Elle interrompt ce qui est, en quelque sorte, sa déclaration d’amour à Dumaine, pour regarder un aéroplane. Un aéroplane qui annonce peut-être la victoire de l’Allemagne.

    Elle se dit : « si l’Allemagne gagne, j’oserai. Je briserai la chaîne, je prendrai ma vie en mains. Je choquerai tout le monde, je quitterai Dietrich, et j’épouserai Dumaine. »

    Mais l’Allemagne est vaincue. Axelle redevient la victime, l’abusée. Celle dont la seule fierté est de résister, à la ruine, à la mort, et oui, … aussi à l’amour.

    "Un français, une Prussienne!" devient un obstacle insurmontable lorsque l’Allemagne est battue.

    On trouve sans doute l’épilogue dans les premiers chapitres, lorsque Dumaine revoit son camarade Guérin. L'effet terrible du temps, qui fait que les anciens camarades de misère, Dumaine et Guérin, progressivement, ne se parlent plus, ne veulent plus évoquer leurs souvenirs de captivité, veulent, somme toute, oublier … pour revivre.

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  5. Je m'appelle Axelle, j'ai 19 ans et ce livre m'a été offert par mon arrière grand mère. L'histoire est qu'elle avait trouvé par hasard dans une librairie et qu'en voyant le titre elle l'acheta tout de suite. Ce livre à toujours été sur l'une de mes étagère mais je ne l'ai jamais lu... Et c'est aujourd'hui que me vient l'envie de le lire en raison du décès récent de mon arrière grand mère. C'est donc en faisant des recherches sur ce livre sur internet (car il n'y a pas de resumé derrière, sur la couverture bleu et épaisse ne se trouve que l'auteur et le titre...) que je suis tombé sur ceci. Alors j'espère que ce livre est bien... Je vous en donnerais des nouvelles.

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  6. Bonjour Axelle et merci pour ton commentaire très touchant.

    J'ose espérer que le roman te plaira, c'est en effet une très belle histoire, pleine de pudeur et de poésie.

    A bientôt et bonne lecture.

    C.

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  7. Bonjour,
    Née en 1995, je m'appelle moi-même Axelle.
    Ma mère a choisi de me prénommer ainsi par ce livre, son histoire, et le personnage d'Axelle qui l'ont beaucoup touché.
    Ce livre est donc très symbolique à mes yeux.
    Je n'ai lu le roman de Pierre Benoît pour la toute première fois qu'il ya près d'un an, c'est à dire au cours de ma dix septième année.
    C'est un roman qui m'a rempli d'émotions, je le trouve très humain, beau et délicat.

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  8. Bonjour Axelle,

    Je suis ravie de lire ce commentaire si beau et si touchant, d'autant plus que ce n'est pas la première fois que je rencontre des gens, sur la toile, qui se prénomment ainsi grâce au roman...

    Le roman est en effet tel que vous le décrivez, c'est une lecture dont on se lasse pas.

    A bientôt et au plaisir de vous lire.

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  9. j'ai lu ce roman à l'âge de 14 ans et 10 ans après, j'ai appellé ma fille Axelle. Elle a maintenant 29 ans. Ce roman m'a marquée. Et je le relirai avec plaisir.

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  10. Bonjour,
    Moi aussi, je m'appelle Axelle, et je suis née en 1995, comme une autre fille a avoir commenté :)
    pour autant mon prénom n'a pas été choisit par rapport au livre, mais c'est ma grand mère qui est tombée dessus et l'a acheté...
    Je le lirais à la rentrée, car j'ai eu peur de l'abimer, mon exemplaire a été imprimé en 1940 et n'est pas en bon état...
    Je vous tiendrais au courant !

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  11. Bonjour !

    J'attends ton avis sur le roman avec impatience !
    Bonne lecture.

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