28 septembre 2016

Le Bal des Vampires : le film et la comédie musicale

 

Film de Roman Polanski, de 1967 "The fearless vampire killers"

Avec Jack MacGowran (prof. Abronsius), Roman Polanski (Alfred), Sharon Tate (Sarah), Ferdy Mayne (le comte Von Krolock / le narrateur), Iain Quarrier (Herbert von Krolock), Alfie Bass (Shagal)...

Mais c'est aussi :

Une comédie musicale originale en langue allemande "Tanz der Vampire", de Jim Steinman (musique) et Michael Kunze (livret), créée en 1997 et mise en scène par Roman Polanski.

***

Résumé

Le professeur Abronsisus et son jeune assistant Alfred arrivent en Transylvanie dans l'espoir de prouver l'existence des vampires, ou voire mieux, d'en débusquer... Fraîchement installés dans l'auberge du rustre Shagal, Alfred tombe éperdument amoureux de sa fille, Sarah. Celle-ci est cependant convoitée par le comte Von Krolock que la jeune femme s'empresse de suivre jusqu'à son château, où aura bientôt lieu le traditionnel bal des vampires...

***

J'ai patienté et réfléchi un long moment avant de visionner le fameux film de Polanski, The Fearless vampires killers, traduit en français par Le Bal des Vampires... Il s'agit pourtant d'un classique, d'un incontournable, presque d'une légende... Pourquoi avoir tant tardé ? Pour la simple (et bonne ?) raison qu'à l'âge de six ans, je suis tombée sur des photos du film dans une encyclopédie du cinéma, et que j'avais été terrorisée par l'allure du comte von Krolock... Les terreurs d'enfance étant ce qu'elles sont - et je conviens qu'ici, je les ai poussées quelque peu à l'extrême - j'ai toujours relégué ce film au plus bas de ma longue liste de films à voir. Suite à mes récents égarements littéraires et cinématographiques au coeur des insondables Carpathes, j'ai donc pris courageusement le taureau par les cornes, bien décidée à visionner ce classique du cinéma. Alors évidemment, on reléguera aussi au plus profond de sa mémoire tout ce que l'on sait sur Polanski, mais aussi les circonstances abominables de la mort de Sharon Tate, l'épouse du cinéaste, survenue en 1968, qui confère à cette oeuvre une aura quelque peu chargée...

Roman Polanski (Alfred) et Jack MacGowran (Abronsius)

Bref. Pour en venir au film, mon sentiment à l'issue du visionnage, en ayant soigneusement mis tout élément subjectif de côté, est finalement assez mitigé. Alors certes, on ne peut vraiment pas nier qu'il s'agit là d'une excellente parodie du film de vampires, tel que pouvait en produire les studios de la Hammer à l'époque, et c'est tout à fait dans cet esprit que je l'ai considéré. J'ai été sincèrement amusée par le personnage du professeur Abronsius, sorte de Van Helsing à bon marché, savant illuminé, complètement dépassé par les événements, et par le personnage d'Herbert von Krolock, le fils du comte, jeune homme sensible et romantique (et vampire, précisons-le), qui se prend d'une grande affection pour Alfred, campé par un Polanski délicieusement timide et maladroit... Malgré tout, je suis restée sur ma faim - sans faire de mauvais jeux de mots - tout en ressentant malgré tout une irrépressible sensation de malaise et d'oppression, qui est le propre de beaucoup de films tournés par Polanski. Sont-ce ces grands espaces enneigés, ces larges instants de plans silencieux, ces personnages aux caractères troubles et demeurant extrêmement inquiétants pour une comédie ? Je ne saurais le dire, sans doute s'agit-il de tout cela à la fois... Il est certain que ce film est un délicieux ovni, une oeuvre qui ne saurait être oubliée si facilement, et qu'elle mérite à ce titre d'être classée parmi les incontournables du cinéma.

La mythique scène du bain - Sharon Tate (Sarah) et Ferdy Mayne (Krolock)

Dans la foulée, j'ai donc enchaînée avec la comédie musicale qu'a mis en scène Polanski, sur une musique de Jim Steinman et un livret de Michael Kunze, et écrite à l'origine en allemand, même si celle-ci a été traduite dans de nombreuses langues (anglais, français, néerlandais, russe, hongrois,...), c'est bien en Allemagne que celle-ci a trouvé un public extrêmement attaché et fidèle depuis sa création en 1997. Il faut néanmoins reconnaître que cette version musicale est assez éloignée du matériau de base, car même si elle suit la trame du film de Polanski, on en est tout de même loin sur la forme. L'histoire demeure inchangée, et malgré quelques francs traits d'humour plutôt potaches, le registre est nettement moins fin et le sentiment d'asphyxie palpable dans l'oeuvre de Polanski passe complètement à la trappe. La musique quant à elle, même si elle sent parfois un peu le réchauffé, est véritablement très agréable à écouter, pour la simple et bonne raison que les deux airs principaux de la comédie musicale sont issus de chansons connues, écrits dans les années quatre-vingts et quatre-vingts-dix par Jim Steinman. On y reconnaît donc de nombreuses reprises de "Total Eclipse of the heart", écrite à l'origine pour Bonnie Tyler (Totale Finsternis), ou encore de "Original Sin", qui a été interprétée par Taylor Dayne et Meat Loaf (Gott ist tot), Ces deux musiques sont répétées régulièrement, quoiqu'en variant l'orchestration, tantôt rock ou classique, sans que jamais cela ne soit gênant. Ce sont deux thèmes très agréables, très forts aussi, dont personnellement je ne me suis lassée à aucun moment. Du reste, les voix et les interprètes choisis sont toujours sublimes, et rendent merveilleusement justice à cette musique entêtante. Du côté de la mise en scène, il est assez clair que l'aspect général des décors, des costumes, lorgnent franchement sur le Fantôme de l'Opéra de Webber, et ce jusque dans les personnages : Sarah l'ingénue, victime très consentante, qui n'a pas vraiment envie d'être sauvée, et de l'autre côté le comte Von Krolock, magnifique et grandiloquent, hautain et méprisant, sorte de mélange assez heureux du personnage de Gaston Leroux et de celui créé par Bram Stoker. Bref, autant dire que sans être très nouvelle, cette comédie musicale a du moins tout pour plaire... D'ailleurs, point de fin convenue ici : aux oubliettes le drame romantique, et bienvenue à une conclusion où les personnages les plus atroces ont leur mot à dire... Les vampires prédominent là où la science et l'amour échouent de manière assez lamentable. En cela, la fin de la comédie musicale ne s'éloigne pas d'un iota de celle du film, et c'est tant mieux.

"Tanzsaal" (La salle de bal) dans la production française de Mogador (2014-2015)


Jan Ammann dans la production allemande de 2015

Me reste à venir au personnage qui m'a définitivement séduite dans cette comédie musicale, qui comme on s'en serait douté, n'est autre que le comte Von Krolock, interprété dans sa première version par le merveilleux et regretté Steve Barton (qui fut le premier interprète de Raoul de Chagny à la création du Fantôme).

Steve Barton, le Krolock original de la version allemande

Comme je l'ai mentionné plus haut, Von Krolock a la grâce féline et hautaine d'un Dracula, les entrées dramatiques d'un Erik, l'aura délicieusement noire d'un Dom Juan... Il inquiète, et fascine avec la même aisance. Il est devenu un ressort principal de l'histoire, alors que Polanski dans son film ne lui réserve qu'un rôle secondaire. Ce qui était parfaitement justifié, au vu du contexte parodique plutôt glaçant d'origine. En versant dans le dramatique, le personnage du vampire plein de dédain, mais charmant quand il le faut, n'en devient que plus essentiel. Mais que l'on ne s'y trompe pas : Von Krolock n'est pas un romantique et le Bal des Vampires, n'est pas une histoire d'amour... Il a très peu de remises en question, mais il n'en est pas obligatoirement monocorde. La chanson "Die Unstillbare Gier" (La soif insatiable) en est une belle preuve. Sa solitude, sans doute, lui pèse, mais ses regrets passent vite. Il se détourne bien vite de son repentir pour se précipiter dans ses habituels travers. Encore que lesdits travers sont inhérents à sa nature, et que Sarah est toute prête à les lui pardonner...

Drew Sarich


Dans les interprètes les plus fameux, on trouve bien entendu Steve Barton, qui a réellement donné le ton en interprétant ce personnage avec une perpétuelle attitude de mépris. Mais depuis 1997, il y a eu de nombreux autres, dont on peut apprécier les variétés de jeu grâce à de larges extraits sur youtube, parmi lesquels on trouve Drew Sarich (qui fut un excellent fantôme dans Love never dies dans sa version allemande), ou encore Jan Ammann. Mon interprète de prédilection demeure néanmoins le Von Krolock de la version française jouée à Mogador il y a deux ans, Stéphane Métro : à la fois capable d'extraordinaires prouesses vocales, et de nuances de jeu absolument exceptionnelles, qui font littéralement frissonner d'émotion. On regrettera cependant les quelques maladresses de la traduction française...

Stéphane Métro, un von Krolock délicieusement dramatique

Si l'on est adepte de comédies musicales, le visionnage de Tanz der Vampire se révèle absolument obligatoire. En cherchant un peu, on trouve des versions intégrales sur youtube (je ne peux que conseiller la version avec Steve Barton, ainsi que celle avec Drew Sarich. Une version filmée professionnelle est également visible, avec Kevin Tarte). On peut voir aussi quelques extraits de la version française, dont je ne résiste pas à poster l'un des moments les plus emblématiques :




Et l'une des plus merveilleuses interprétations de "Gott ist tot", par Steve Barton :


 

Trailer (malgré l'intitulé, les images correspondent à la production française) :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire