11 novembre 2014

L'amour dans l'âme, de Daphné du Maurier

Autrefois paru sous le titre "La chaîne d'amour", ce roman de jeunesse de Daphné du Maurier retrace l'histoire de quatre générations d'une famille de Cornouailles, armateurs ou marins, depuis la mère, Janet, jeune femme éprise de liberté, amoureuse de la mer et de ses tourmentes, jusqu'à son arrière-petite-fille, Jennifer.

Dans ce roman on retrouve les thèmes chers à la grande romancière anglaise. La mer, les bateaux, les passions humaines, les vengeances et les frustrations s'y déchaînent, comme le vent des tempêtes. 

Il y a un souffle dramatique indéniable dans ce roman, se situant quelque part entre l'inspiration fantastique de La Maison sur le Rivage et l'agitation romanesque de La crique du Français. On y croise cette galerie de personnages caractéristiques, qui par la suite, a constitué la grande force des romans de Du Maurier, les femmes indépendantes et fortes, les hommes téméraires bien éloignés de l'image archétypale des héros classiques, tous et toutes à la fois tourmentés et frustrés par la dichotomie qui s'opère invariablement entre leurs aspirations d'un moment et les contraintes de toute une vie. 

Lorsqu'on lit Du Maurier, on a toujours cette terrible impression de lire parfois un récit épisodiquement romanesque, tout en étant persuadé que l'on sera encore et toujours ramené aux limites imposées par la vie, par ses aléas, par cette volonté toute-puissante d'un destin souvent contraire, par le carcan d'un monde trop étroit. Encore et toujours, le lecteur se trouve confronté à ses propres frustrations, à travers le récit de ces quatre générations d'hommes et de femmes à la fois passionnés et déçus. 
On sent également à quel point l'auteur était attachée aux personnages classiques qui l'ont inspirée à travers toute son oeuvre, de Shakespeare aux Brontë, en passant par Byron, on ne peut nier la ressemblance criante entre le capitaine Joseph Coombe de L'amour dans l'âme et son frère Philip, aux "frères" ennemis Heathcliff et Hindley des Hauts de Hurlevent. Les personnages masculins chez Du Maurier, sont tout aussi forts, écrasants, voire toxiques, que chez les Brontë, à la différence qu'ils ont face à eux, cette fois, des femmes qui leur tiennent merveilleusement tête, et qui parviennent à donner le ton d'un féminisme rare, dépoussiéré, sans jamais tomber dans le manichéisme. 

La chaîne d'amour n'est sans doute pas le plus grand roman de l'auteur, à l'instar de Rebecca ou de l'Auberge de la Jamaïque, mais il annonce certainement les meilleurs thèmes de son oeuvre !

4 commentaires:

  1. Ah, je suis bien contente et heureuse de lire ton avis sur ce roman, et de voir qu'il t'a aussi beaucoup plu ! Je ne peux que te rejoindre dans ton discours : il est à la fois épique et aussi profondément ancré sur les relations humaines, des caractères distincts, le tout relié par la mer et la fameuse "chaîne d'amour" entraînée par Janet...et bien que ce ne soit que des personnages de fiction, il est difficile de ne pas être touché par au moins l'un d'eux, le style naissant de l'auteur, et toute cette force qui caractérise son oeuvre...et tu as bien raison, les personnages masculins sont aussi forts que ceux féminins, ce qui changeait beaucoup à l'époque !

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  2. Tout à fait ! Comme à chaque lecture d'un roman de Daphné du Maurier, on n'en sort pas tout à fait indemne... J'aime la façon dont elle a de créer une atmosphère, une histoire, qui a la capacité de faire rêver son lecteur tout en conservant les deux pieds bien ancrés dans la réalité, quitte à lui rappeler ses propres frustrations. Comme tu le dis, c'est ce qui fait la grande force de ses romans.
    J'ai encore quelques Du Maurier dans ma pile, notamment "Les souffleurs de verre" et "Jeunesse perdue". Les aurais-tu déjà lu ?

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  3. Oui, ça lui est bien propre et c'est ce qui rend ses romans magiques...et elle a vraiment une plume particulière, quoiqu'en disent ceux qui la qualifient de romancière populaire. Ce n'est pas parce que ses oeuvres sont "accessibles" qu'elles sont moins complexes et travaillées pour autant...
    A moins que "Jeunesse perdue" ne soit le titre d'un de ses recueils ou d'une de ses nouvelles, non, je n'ai lu encore aucun des deux. Moi aussi je préfère en laisser un peu en avance...ça sera triste quand tout sera lu d'elle...

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  4. C'est un peu un comble de qualifier ces romans de "populaires", encore aujourd'hui. A son époque, j'avais lu quelque part qu'elle avait été très critiquée, parce que son écriture était simple et accessible. Du reste, quand on lit certains romans écrits aujourd'hui, publiés et parfois même encensés par la critique, on se pose réellement des questions quant à l'objectivité ou l'honnêteté de tels propos. Pour ma part, j'aurais tendance à considérer que le qualificatif "populaire" n'est pas péjoratif, car comme tu le dis bien, ce n'est pas parce que le style n'est pas biscornu que la psychologie, elle, n'est pas extraordinaire... !
    Après vérification, "Jeunesse perdue" est bien un roman, et je ne pense pas qu'il soit encore édité (j'avais déniché ce bouquin dans une bouquinerie, et il s'avère être daté de 1949...)

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